Le soleil brûlait son dos quand il arriva en haut
du col. Sa respiration était haletante, laborieuse, comme la montée des
derniers mètres. Il repéra un coin d’ombre, y posa son sac avant de s’y
affaler. Il reprit lentement un rythme respiratoire plus calme, les yeux
fermés, concentré sur les douleurs de son propre corps. Une inspiration, ses
muscles se relâchent ; une expiration, ses yeux s’ouvrent. Une
inspiration, il contemple le ciel ; une expiration, un sourire nait sur
ses lèvres.
Il se remit finalement en position assise, l’air
encore un peu ailleurs, passa sa main sur son visage pour y effacer la fatigue
et posa son regard sur le paysage. Il vit toute la vallée qu’il a traversée,
baignée par la lumière de fin d’après-midi. Les montagnes à cette altitude ne
sont recouvertes que d’une fine couche d’herbe, tantôt vert-de-gris, tantôt
presque jaune en fonction de l’ensoleillement. Sur un versant d’une montagne
qui encercle le col, un troupeau de vaches avance aux sons des cloches autour
de leurs cous. Il suit leur lente marche sur le sentier quelques minutes ;
mais, finissant par se lasser, il reporte sa vision sur la vallée en contrebas.
Là, la végétation est plus dense, l’herbe moins sèche et plus verte, et on y
aperçoit une forêt de conifères. Progresser là-bas était plus facile, les
arbres protégeaient des rayons du soleil. Mais avec les mètres gagnés, la
végétation se raréfia et les pentes se firent plus abruptes. La fatigue était
plus grande, les arrêts plus fréquents et le souffle plus court. Heureusement,
une fois passé le premier col, la fin d’après-midi avait vu un relief plus
varié où les montées se succédaient à descentes et plats. La marche en était
plus agréable.
Son esprit se tendit vers une zone qu’il ne pouvait
plus voir, cachée par les monts plus proches. Là-bas, la plaine était à une
altitude si basse, qu’elle était couverte par les nuages les plus bas. Ça
faisait comme un bain mousseux avec des pics à deux milles mètres d’altitude
pour baignoire. La matinée sous cette nappe nuageuse fut une longue montée en
zig-zag à travers le sous-bois. C’était laborieux mais agréable. Regarder la
carte était frustrant, car on n'avait pas l’impression d’avancer, mais la
sensation d’effort sain était réconfortante.
On l’appela, pour aider à préparer le dîner. Il
s’arracha à ses rêveries pour rejoindre les autres, sortir les gamelles, le
pain et le repas. Le réchaud fut mit en route, et pendant la cuisson du plat,
le groupe échangea charcuteries, pains, eau et éclats de rire. Le repas fut
joyeux et animé, bien que tous fussent fatigués.
Alors que le repas se terminait, ils regardèrent de
nouveau les montagnes, de l’autre côté du col, vers leur destination. Une
cabane se distinguait en contrebas, et c’est là qu’ils vont dormir. Les leaders
reprennent leur rôle de leaders, et forcent le groupe à repartir. Et tandis
qu’ils suivent le cours d’une rivière, le soleil couchant teint les sommets
d’ocre. Il jette un dernier regard sur le col, et se dit qu’au bout du compte,
ça en valait la peine.