Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Juste quelques mots
13 février 2011

N: Souvenirs d'un étranger -3

Le doigt sur la sonnette, Nicolas s’affola. Qu’allait-il bien pouvoir dire à ces gens, de parfaits inconnus « Bonjour, je voudrais savoir si vous me connaissez ? ». Personne ne lui répondrait sérieusement s’il demandait ça. Alors quoi, mentir ? Se prétendre agent d’EDF pour forcer la personne à ouvrir ? Nicolas douta fortement de pouvoir maintenir son mensonge suffisamment longtemps, et puis à quoi bon ? Son cerveau bouillonnait, profitant des quelques secondes qu’il avait avant que quelqu’un ne réponde à l’interphone. Qui sait s’il était seulement en bons termes avec les Grinche ? Que faire ?
« Oui ? » La voix douce coupa court à ses réflexions. Nicolas mit quelques temps à répondre, alors la voix reprit : « c’est pour quoi ? ». Là, Nicolas répondit sans même se rendre compte des mots qui sortaient de sa bouche : « Véronique, c’est moi, Nicolas… »

La porte de l’appartement s’ouvrit à demi. Comme avant, Véronique le regardait de son petit regard triste, ces yeux gris étaient moins vifs que par le passé. Nicolas la regarda, un sourire léger aux lèvres. Il sentait le flot des souvenirs revenir en lui, grâce à ce regard, cette personne qu’il savait sensible et généreuse. Nicolas se perdait tellement dans ses réminiscences, qu’il ne voyait pas l’air apeuré qu’avait pris Véronique en ouvrant la porte. Elle l’invita à rentrer, et lui accepta. Il prit à droite dans le couloir de l’entrée, et entra d’un pas assuré vers le salon. Rien n’avait changé dans la pièce. C’était toujours les mêmes canapés qu’il y a dix ans, avec les mêmes tableaux aux murs, la même table, la même console de salon, même la télévision était identique. Seul témoin de changement, le voyant d’un lecteur DVD. C’est vrai que les Grinche ne roulaient pas sur l’or à l’époque, et ça devait rester vrai aujourd’hui.
Véronique se tenait dans l’encadrement de la porte de la pièce, toujours silencieuse. Lui prit ses aises, et s’installa sur le canapé. Au bout de quelques minutes de silence, où Nicolas retrouvait peu à peu des bribes de mémoire, il dit, un peu amusé : « J’imagine que ça doit faire un choc de me voir, après toutes ses années. » Il s’arrêta vivement, surpris par son propre ton. Depuis quand parlait-il avec une telle assurance dans la voix ? Plus que ses souvenirs, c’est comme si sa vraie personnalité émergeait au contact de cette femme.
« Je ne pensais plus te revoir, répondit-elle. Pas après ce qu’il s’est passé…
-Justement, qu’est-ce qu’il s’est passé il y a dix ans ?
-Tu ne le sais pas ? Véronique ne put réprimer une pointe d’espoir de percer dans le ton de sa voix.
-Non. Je ne me souviens de rien. Enfin, si, je… je commence à me souvenir… Je sais qui tu es, depuis combien de temps on se connait, je sais que je suis marié et que j’ai une fille… Mais je ne suis pas capable de me rappeler de leur visage… c’est flou. Mais ça revient. Ça revient… »
Véronique ne répondit rien. Elle n’avait pas bougé depuis tout à l’heure, toujours tendue. Après un temps de silence absolu, elle dit « Pierre ne va pas tarder à revenir ».
A ces mots, Nicolas eu un rictus. Véronique avait dit cette phrase tellement de fois dix ans plus tôt. Dès qu’ils se voyaient en cachette, pendant que Sophie et Pierre étaient au travail, Véronique ouvrait sa porte, et c’était à chaque fois les premiers mots qu’elle avait à la bouche. C’était le « signal », l’expression rituelle qui signalait qu’elle l’attendait. Et comme il y a dix ans, il répondit de la même manière : « J’espère qu’il ne rentre pas trop vite… », un sourire carnassier aux lèvres.

Publicité
Publicité
Commentaires
L
!!!<br /> <br /> Pas mal ! J'ai hâte de lire la suite, le texte est plein de suspens, et c'est accentué par le fait de devoir attendre le prochain article !<br /> <br /> :-)
Publicité
Juste quelques mots
Derniers commentaires
Publicité