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Juste quelques mots
1 mai 2010

HC: Rencontre 5/6

M. Martin était vraiment un homme charmant. Quelqu’un de bien.

Tout le monde le décrivait ainsi. Véronique Bertin ne le connaissait que de réputation, car bien qu’il était le plus apprécié des parents d’élèves de l’école de sa fille Mathilde, Véronique était trop prise par son travail pour assister à une seule des réunions parents-professeurs. Il faut dire que son boulot de gendarme est un boulot à plein temps, ce qui l’a tenu à l’écart de tous les rendez-vous importants avec l’école. Tous, sauf la kermesse, heureusement, ce qui lui a valu un des trésors les plus précieux pour un parent, le sourire de son enfant.

 

Le temps était radieux, une fin juin magnifique pour un été qui promettait de l’être tout autant. Véronique, son mari Etienne et leur fille flânaient entre les stands de pêche aux canards, de chamboule-tout et celui de la fameuse tombola. La famille Bertin s’approcha, la remise des prix allait débuter. Bien entendu, Véronique avait sacrifié deux euros à la coutume, et acheté un billet à sa fille. Celui-ci portait le numéro trente-six, ce qui était l’âge de Véronique. « Voilà qui va me porter chance »

Un homme s’avança sur l’estrade, tandis que Mathilde s’écria : « C’est lui maman ! C’est le papa de Thibault ! » « Ah donc, c’est lui le fameux M. Martin ! C’est vrai qu’il a l’air sympathique. Et joyeux. Un sourire charmant. Mais ses yeux… sont… dérangeants » C’est vrai, on l’avait prévenu, M. Martin a un regard un peu dur. Mais, comme disait sa voisine, Mme Ménard maman de trois enfants, c’est une crème cet homme ! Tout le voisinage s’est pris d’affection pour ce bonhomme un peu rondouillard, à la calvitie plus que naissante, et au regard scrutateur. N’importe qui dans le quartier lui donnerait le bon dieu sans concessions.

Véronique était tellement perdue dans ses pensées qu’elle n’entendit pas son numéro être appelé. Elle fut rappelée à la réalité par la voix de sa fille : « Maman ! Maman tu as gagné !! ». Le temps de comprendre la situation, et Véronique bondit vers l’estrade… et manque une marche.

Fort heureusement, elle fut retenue dans sa chute par une paire de bras courtauds mais puissants, ceux du bon M. Martin.

« Eh bien, c’est bien la première fois que je vois quelqu’un d’aussi pressé de récupérer un grille-pain ! » Toute l’assistance s’esclaffa, et Véronique rit de bon cœur. Même si la situation était gênante, elle aurait pu l’être bien d’avantage. M. Martin ne la lâcha pas immédiatement, la couvant de son regard ambigu. Ses yeux étaient trop rapprochés, ce qui donnait l’impression qu’il scrutait plus qu’il n’observait Véronique. Puis, tout en lui remettant solennellement son lot, il alterna les traits d’humour avec une bonne humeur flagrante. Véronique fut immédiatement séduite par sa voix légère, et figée par son regard intense semblant dire « Je n’en ai pas fini avec vous ». Son cadeau en main, Véronique quitta la scène sous un dernier bon mot du si captivant M. Martin, « Faites attention aux marches ». Elle sourit de cette joie contagieuse, matinée d’une pointe d’angoisse.

 

Et bien entendu, M. Martin retrouva Véronique plus tard dans la journée, alors que celle-ci se tenait seule au stand de boissons. Elle observait son mari et sa fille en pleine pêche aux canards en plastique quand son attention fut attirée par la voix chantante du petit homme si charmant. Les deux entamèrent une conversation très animée sur leur mari ou femme respectifs, ainsi que sur leurs enfants. Dès que Mathilde fut mentionnée, les yeux de M. Martin s’allumèrent d’un éclat rieur. « Thibault adore Mathilde. Il faut dire qu’elle est si mignonne… » Véronique en convint volontiers, mal à l’aise. La légère tension entre eux fut rapidement dispersée par l’arrivée de Maria et Thibault Martin, accompagnés d’Etienne et Mathilde Bertin. Le mari de Véronique salua très chaleureusement M. Martin. « C’est vrai, ils se connaissent bien ». En effet, puisque Véronique n’était jamais disponible, c’était son mari Etienne qui se présentait à toutes les réunions et les sorties scolaires, et il avait fini par bien sympathiser avec le père du meilleur ami de sa fille.

Alors que les adultes discutaient avidement, Véronique surprit M. Martin en train d’observer sa fille, un sourire bienveillant sur les lèvres. Celle-ci, totalement insouciante, jouait avec Thibault à « trois petits chats ». Inconsciemment, ceci accrut le malaise de Véronique. Au bout d’un moment, M. Martin proposa innocemment : « Pourquoi ne pas nous amener Mathilde samedi prochain ? La météo annonce un temps superbe, et on comptait faire un barbecue avec ma femme et monter la piscine pour le petit… Joignez-vous à nous ». Cette proposition si soudaine posa un léger problème à Véronique. De plus, Etienne était au travail samedi, et Véronique devait se rendre à l’hôpital pour discuter de résultats d’examens. Néanmoins, la petite paraissait emballée, et Etienne trouva l’idée très séduisante. On pouvait leur déposer la petite pour l’après-midi, et ainsi Véronique pourrait aller à son rendez-vous sans se demander quoi faire de sa fille. Véronique reconnut elle-même que la proposition venait à point nommé, et le tout fut décidé. Véronique devait déposer Mathilde sous les coups de midi, et la récupérer vers seize heures.

 

Le samedi venu, Véronique sonna à midi précise chez les Martin, son travail lui ayant appris l’exactitude. C’est M. Martin qui lui ouvrit, un sourire radieux et très large aux lèvres. La mère et la fille furent invitées à entrer, et en profitèrent pour faire le tour du propriétaire. Les Martin habitaient une charmante petite maison, un rien vieille France. Ils étaient au calme, et disposaient d’un grand jardin avec terrasse aménagée ainsi que d'une piscine gonflable dans laquelle barbotait déjà Thibault. Mathilde s’empressa de trouver la salle de bains pour se changer, puis de plonger rejoindre son petit camarade, sous le regard bienveillant de Véronique et de M. Martin qui apportait un verre à son invitée. Ensuite, pendant que Mme Martin dressait la table, l’aimable M. Martin mit en route le barbecue. Il versa une généreuse rasade d’essence, avant d’y mettre le feu. Une flamme jaillit de l’appareil et effraya Véronique. Tous les deux rirent nerveusement, pendant que le foyer du barbecue se calma. Véronique regarda encore les enfants jouer quelques minutes, avant de prendre congé.

Il était seize heures vingt lorsqu’elle se représenta chez les Martin, la mine soucieuse. Les résultats de ses examens étaient, si ce n’est alarmants, au moins inquiétants. Elle s’arrêta donc deux secondes devant la porte d’entrée, se recomposa un visage avant d’approcher son doigt de la sonnette. Là, elle vit un mot sur la porte : « Maria et Thibault sont partis acheter des glaces. On est dans le jardin avec Mathilde ».

 

Là, l’idée que sa fille soit seule avec un homme adulte explosa dans la tête de Véronique. Elle contourna en courant la maison en direction du jardin. Arrivée en vue de la piscine, elle vit sa fille allongée par terre et pleurant à chaudes larmes. Et elle le vit lui, le si charmant M. Martin, en maillot de bains, ruisselant de sueur, la main posée sur son genou. La panique prit le pas, et elle n’hésita pas : elle s'empara du premier objet qui lui tombait sous la main, soit le tisonnier, se rua en hurlant sur le charmant homme et le frappa. Sa fille cria, horrifiée, tout comme Maria et Thibault, qui revenaient avec les glaces et étaient accourus à cause des hurlements de Véronique.

Celle-ci lâcha l’arme improvisée et contempla les yeux, chargés d’incompréhension, de M. Martin s’éteindre. Lui, si charmant, qui ne faisait que consoler une enfant qui venait de tomber, ne comprit pas. Comment comprendre en effet, que cet homme était si charmant qu’il en devenait suspect.

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Commentaires
A
Celui là, il est génial ! T'as fait exprès d'appeler tous les persos avec des noms qui se ressemblent beaucoup, ou c'est moi qui psychote (Maria Thibaud Martin Mathilde Etienne Bertin )?? Mais ça rend bien bien ! J'ai stressé jusqu'à la fin... Pauvre M. Martin !
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