HC : Veillée 1/6
Dix personnes entourent le feu de camp. Il y a là un vieil homme et sa femme, le mari presque endormi tandis que la femme fait du tricot. Près des flammes, un homme attise le feu en repoussant les bûches dans le foyer sous le regard de deux petits garçons et d’une petite fille, les yeux rendus brillants par la lueur des flammes. Une mère surveille les trois enfants, tout en aidant à préparer le repas. Elle aide deux autres femmes, dont une est encore une jeune femme, et discutent, coupent les légumes et mélangent les ingrédients d’une marmite en même temps. Dans un coin, un jeune homme dévore la jeune femme des yeux tout en jouant avec une feuille.
Une des femmes déclare que le repas est prêt. En deux temps trois mouvements, tout le monde est servi, et ils commencent à manger. Les enfants chahutent, et l’un des garçons lance un bout de sa soupe sur la petite fille. La mère intervient, menaçant : « Quentin, si tu n’es pas sage, le croque-mitaine viendra te manger ! ». L’enfant se calme, et finit par demander timidement : « Maman, c’est qui le croque-mitaine ? Pourquoi il existe ? »
La mère, gênée, finit par répondre : « Mais le croque-mitaine existe pour manger les enfants pas sages ! Tout le monde sait ça ! ». La petite fille s’en mêle : « Oui, mais pourquoi il fait ça ? Pourquoi que les enfants pas sages ? Et pourquoi les enfants ? ». L’autre garçon renchérit : « C’est vrai, il ne mange jamais des adultes ! Que des enfants ! C’est pas juste ! ». La mère ne sait pas quoi répondre, alors l’homme qui plus tôt s’occupait du feu prend la parole : « Vous voulez savoir qui est le croque-mitaine alors ? Mais c’est la réponse à un grand mystère que vous demandez ! ». Les enfants s’animent : « Oncle Roger, tu connais la réponse c’est sûr ! » « Raconte-nous oncle Roger ! » « Oui, on veut savoir ». L’oncle Roger proteste, mais même les adultes, amusés, s’ajoutent aux suppliques des enfants. « D’accord ! » finit-il par dire. « Je vais vous raconter ce que je sais sur le croque-mitaine »
L’enfant enlevé par le croque-mitaine
Le croque-mitaine est une énigme ! Personne ne sait vraiment d’où il vient, ni qui il était vraiment au départ. Mais l’histoire que je vais vous raconter va peut être vous faire comprendre plus de choses sur ce monstre !
Tout commença avec un enfant. Son nom ? L’histoire ne l’a pas retenue. C’était peut être Thomas, ou Henri, ou Olivier, ou Quentin qui sait ? Ou peut être y-a-t-il eu un Thomas, un Henri, un Olivier, et un Quentin. Cette histoire n’a pas eu lieu qu’une seule fois, mais à chaque fois, elle commence par un enfant. Un enfant capricieux, méchant, moqueur, mesquin et vil. Il ne faisait que provoquer la peine de ses parents, et des problèmes autour de lui. Les autres enfants ne l’aimaient pas, car il leur faisait mal, ou se moquaient d’eux. Les adultes le regardaient avec dédain, le traitant de mauvaise graine, de catastrophe. L’enfant s’en moquait, car il était vraiment méchant. Aucun amour ne battait dans son cœur, et c’est un bien grand malheur quand pareille chose arrive ! Sa mère pleurait beaucoup et son père ne faisait que crier sur ce démon qui avait pris l’apparence d’un humain.
Il arriva qu’un soir, l’enfant mit le feu à la maison où lui et ses parents habitaient. Si tous les trois purent s’en sortir vivants, le père fut blessé au bras, et tous les biens de la famille furent perdus. Mais le feu réjouit l’enfant. Il dansa autour de la maison en flamme, et à ce moment-là, on aurait vraiment dit le diable.
La mère était tellement accablée par le chagrin qu’elle jeta à la face de son enfant : « il vaudrait mieux pour tout le monde que le croque-mitaine vienne te manger vite !! ». Elle regretta ses paroles, car elle était mère, et les mères aiment toujours leurs enfants, mais il était trop tard… Au fond de sa caverne sordide, le croque-mitaine avait entendu la malheureuse, et son appétit se réveilla.
Car le croque-mitaine adore dévorer les enfants. C’est son plat favori. C’est d’ailleurs son seul plat. Mais il ne mange que les enfants pas sages. On dit que c’est pour la même raison que nous, nous mangeons la nourriture cuite et non crue. Crue, ça n’est pas bon, et ça peut nous donner mal au ventre. Et bien c’est pareil pour le croque-mitaine. Les enfants sages ont mauvais goût, tandis que ceux qui font des bêtises et sont connus pour leur méchanceté donnent une saveur qui plaît au monstre. Quand il entend la colère de la mère, il se dit qu’il va se faire un festin !
Alors, pendant la nuit, le croque-mitaine sort de sa tanière. Il a de la chance, la lune est voilée par les nuages, car ses rayons sont trop forts pour sa peau. Et les rayons du soleil sont encore pire, ça le tuerait immédiatement. Il s’avance doucement, et hume l’odeur de l’enfant si odieux. Il repère vite son odeur, très forte et âcre, et s’élance. Le croque-mitaine est incroyablement rapide, il peut faire le tour du monde en moins d’une heure, et ni la mer ni les montagnes ne peuvent l’arrêter. Il finit par trouver la famille, et surtout l’enfant, qui dorment à la belle étoile prêt des restes de leur maison. Ils dorment dehors car personne n’a voulu les héberger, car l’enfant pourrait recommencer ! Le croque-mitaine repère sa proie, et saute sur elle. Quand l’enfant pousse son premier cri d’effroi, la bête et lui sont déjà loin, hors de portée des oreilles des parents endormis. Les deux monstres se retrouvent dans la tanière du croque-mitaine avant même que l’enfant comprenne ce qu’il se passe. Celui-ci finit par voir qui l’a enlevé. Un monstre verdâtre, tout miteux, malingre, crasseux, avec une jambe comme rongée par quelque animal inconscient, l’œil vitreux et fou. L’enfant, qui simulait la peur, car il était trop bête et vilain pour être vraiment effrayé, rit devant cette apparence pitoyable.
C’est le rire d’un monstre, d’un dément qui résonne dans cette caverne lugubre et obscure. Le croque-mitaine commence à s’inquiéter, l’enfant sera-t-il vraiment bon ? N’est-il pas fou ? Les enfants fous ont aussi mauvais goût que les enfants sages, voire encore pire. Mais la lueur démoniaque dans les yeux de l’enfant le rassure : c’est bien un enfant méchant. Mauvais sans aucun doute. Le monstre vert s’approche du monstre riant, pour y goûter, il doit être succulent ! Il prend la jambe de l’enfant, et croque un morceau !
Là, le croque-mitaine a du mal à avaler. L’enfant est TROP méchant. C’est comme une nourriture trop épicée ! Le monstre commence à étouffer. Il avale difficilement, mais regrette aussitôt de ne pas l’avoir recraché. La méchanceté de l’enfant est si forte, que sa chair est comme du poison. Le croque-mitaine finit par s’effondrer, mort…
L’enfant, qui s’était tu de douleur, est intrigué par la mort du monstre. Il sort de la caverne, bien décidé à retrouver ses parents, où d’autres humains, et à raconter son incroyable aventure ! Il a survécu au croque-mitaine ! Il l’a même tué ! Dans la forêt qui entoure la caverne, il imagine tous les mensonges qu’il peut raconter pour se mettre en valeur. Néanmoins, au bout de quelques jours, il se rend compte qu’il est perdu, qu’il n’arrive pas à sortir du bois ! Il se dit qu’il va finir par mourir de faim ! Mais étrangement, il retrouve le chemin de la caverne du croque-mitaine. L’enfant est affamé, et ne sait pas quoi faire. Il se dit qu’après tout, le croque-mitaine a bien essayé de le manger, lui ! Alors, il finit par rentrer dans la grotte, et par commettre l’abominable…
Quand il finit par ressortir de la grotte, ce n’est déjà plus un enfant… ni un humain. Et plus tard, on finit par entendre une histoire d’un enfant qui a encore disparu, mangé par le croque-mitaine…
Quand aux parents du monstre, débarrassés de leur sinistre progéniture, ils ont été aidés par les gens de leur village. Et le seigneur leur a fait cadeau d’un second enfant, cette fois doux et sage…
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