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Juste quelques mots
14 juillet 2008

HC : L'Ankou

     Il avait vu l’Ankou. Par une nuit sans étoiles, alors qu’il se penchait pour caresser un chat errant, il l’avait vu.

     L’Ankou conduisait sa charrette, vestige d’un autre monde, sur le chemin désert. Le vent glacé s’accentuait autour de l’attelage maudit. Son cheval, couleur d’ébène, avançait avec calme et détermination, fendant l’épais voile de la nuit. Le bois de la charrette craquait à chaque avancée, et le martèlement des roues sur le sol était plus assourdissant et plus effrayant que le bruit de n’importe quelle bombe. Néanmoins, le tout était harmonieux, ressemblant à une symphonie macabre. L’Ankou tira sur les rennes, le cheval s’arrêta en hennissant. Avec lui, la mélopée funèbre prit fin.

     L’Ankou tourna sa tête encapuchonnée vers lui. Son visage demeurait dissimulé dans l’ombre, tandis que son long manteau noir dansait au vent du soir. Dans sa main droite, il tenait une vieille faux, rouillée et rougie de sang. L’homme y vit son reflet, âme pâle et tremblante dans l’obscurité.

     L’Ankou releva imperceptiblement la tête, et il vit son visage. Son visage. Un déluge de sentiments l’envahit et le submergea : douleur, solitude, détresse, désespoir, peur, fatalité, et surtout horreur. L’Ankou le regardait. Son visage aux traits fins et indistincts était posé sur lui. On y lisait la sagesse de millénaires d’existence, la peine que lui infligeait l’espèce humaine et l’apaisement qui est celui que seule la mort peut procurer. Pendant un court instant, rien de plus qu’un battement de cil, l’éternité se focalisait sur lui.

     L’Ankou détourna le regard. Le miasme de sentiments qu’il avait ressentit disparu, laissant place à un grand vide, gouffre impossible à combler.

     L’Ankou fit un bref mouvement de tête, et l’attelage noir reprit sa marche vers la mort. D’un pas lent, le cheval de la mort faisait face au destin, et fut englobé par lui.

     L’Ankou avait disparu. Lui n’avait pas bougé. Captivé par son regard, il n’avait pas fait le moindre mouvement. Puis, après un long moment, il tomba à genoux. Ses yeux se remplirent de larmes, tandis que celles de son cœur s’asséchaient.

     Il avait vu l’Ankou, il allait mourir.

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Commentaires
L
au moins il a le temps de pouvoir dire à ceux qu'il aime,ce qu'il n'a jamais pu leur dire.<br /> Mourir avec quelques regrets de moins...
C
Haha pauvre gars, d'un côté il peut se vanter d'avoir vu l'Ankou avant de mourir. Sympatoche^^
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